Annie Berthelot : Gardienne de mémoire et d’histoire à la boutique « Bric-à-brac » d’Orléans

Dans le quartier historique de Bourgogne, à Orléans, se trouve une boutique atypique, à la fois témoin du passé et espace vivant d’échanges. Depuis 2019, Annie Berthelot y perpétue une tradition familiale d’antiquaires et brocanteurs, initiée par son père Henri Licht dans les années 70. Cette héritière, pleine de passion et de nostalgie, nous ouvre les portes de son univers où chaque objet raconte une histoire. Dans cet entretien, elle revient sur la transmission, ses origines et son rôle de passeuse de mémoire.

Entretien avec Annie Berthelot

Votre boutique est bien plus qu’un simple magasin d’antiquités. Pouvez-vous nous parler de son histoire ?
C’est une histoire de famille, avant tout. Mon père, Henri Licht, a ouvert ce magasin dans les années 70, et il est rapidement devenu un lieu incontournable à Orléans. Je me souviens de cette époque, la boutique était une véritable caverne d’Ali Baba, pleine d’objets qui avaient chacun leur propre vie. En 2019, j’ai repris le flambeau et, tout en conservant son âme, j’ai apporté ma touche personnelle en réaménageant les espaces pour mieux valoriser les pièces exposées. Je me vois un peu comme une passeuse d’histoire, transmettant, à travers ces objets, un lien avec le passé.

Vous parlez souvent de la notion de transmission. Quel rôle joue-t-elle dans votre activité ?
C’est central. Un objet, ce n’est jamais neutre, il raconte quelque chose. Parfois une histoire personnelle, parfois une partie de notre histoire collective. Mon rôle, c’est de garder cette mémoire vivante et de la transmettre aux générations futures. Je dis souvent qu’on est un peu comme des jardiniers, on sème, on cultive, on œuvre pour les générations à venir. C’est une grande responsabilité, mais aussi un véritable plaisir de voir des collectionneurs passionnés ou des curieux pousser la porte et s’émerveiller devant une pièce unique.

Vous avez hérité de ce magasin, mais aussi d’une passion. Est-ce quelque chose que vous devez à votre mari ?
Oui, tout à fait. Mon mari, qui nous a quittés il y a six ans, m’a tout appris. C’était un antiquaire exceptionnel, mais avant tout un homme bon. Il avait étudié aux Beaux-Arts et aimait profondément chiner. Grâce à lui, j’ai découvert un métier qui est devenu bien plus qu’une profession, c’est une véritable vocation. Chaque jour, je mets un peu de lui dans tout ce que je fais ici, dans cette boutique qu’il aimait tant.

Votre famille est marquée par deux histoires : celle de vos parents et celle de votre belle-famille. Comment cela a-t-il influencé votre parcours ?
Mes parents ont été très présents à Orléans. Ils géraient le magasin Dorphé, et je me souviens de l’époque de la « Rumeur d’Orléans », qui a marqué la ville dans les années 69/70. J’étais enfant à l’époque, et bien que je n’aie pas personnellement subi de manifestations antisémites, cette période reste gravée dans ma mémoire. Du côté de mon mari, c’est une autre lignée. Son père, René Berthelot, était un grand homme de musique, ancien directeur du Conservatoire, chef d’orchestre et compositeur. Il faisait partie de l’élite intellectuelle et artistique de l’époque. Ces deux histoires, aussi différentes soient-elles, m’ont beaucoup nourrie, et je pense qu’elles influencent ma manière de voir le monde, d’apprécier la beauté des objets et d’honorer leur histoire.

Votre boutique est-elle également un lieu de rencontres, d’échanges ?
Absolument. Ce qui est beau avec une boutique d’antiquités, c’est que chaque objet a une histoire, mais aussi que chaque personne qui franchit la porte vient avec son propre vécu. Il y a des échanges passionnants. Certains clients sont des collectionneurs avertis, d’autres fonctionnent au coup de cœur, mais tous partagent ce plaisir de découvrir une part du passé. J’aime particulièrement l’été, quand les terrasses du quartier s’animent et que la boutique devient un lieu de passage vivant.

Vous continuez également à chiner. Est-ce plus difficile aujourd’hui de trouver des pièces rares ?
C’est vrai que les temps sont durs, surtout avec la situation économique actuelle. Il y a de la concurrence, mais uniquement au moment de l’achat, car dans la vente, chaque pièce est unique. J’aime toujours autant dénicher des trésors dans les vide-greniers ou directement chez les particuliers qui me contactent. Cela fait partie de la magie du métier. Mais quoi qu’il en soit, je me sens bien ici, dans cette boutique. C’est mon monde, et je suis heureuse de le partager avec ceux qui poussent la porte.Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Je dirais simplement qu’il ne faut pas hésiter à venir découvrir cet univers. Chaque objet a une âme et une histoire à raconter. Ma boutique, c’est un petit monde enchanté où le passé ressurgit pour offrir du plaisir et de l’émotion. Alors, poussez la porte et laissez-vous surprendre !

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