Moteur et valeurs d’un commerce qui marche

On a tous l’exemple d’un restaurant ou d’un magasin nouveau venu, et disparu avant même qu’on ait eu le temps d’y entrer. Pourquoi n’a-t-il pas duré, qu’a-t-il manqué à sa réussite ? Le commerce change, comme nos aspirations et notre pouvoir d’achat. 71% des français consomment sur Internet, ils seront 85% dans 20 ans. Certains commerçants anticipent, désertent les centres ville et se rapprochent des zones logistiques. S’ajoute les automates et les casiers de retrait automatique, au risque de la « déshumaniser » le commerce.
Le commerce s’adapte, mais des valeurs sûres demeurent… incontournables.

Oser la qualité

Ces valeurs sont celles des enseignes qui durent ou qui d’entrée font un carton. Gestion, accueille, veille du marché… question de bon sens.

Liger, c’est tout cela à la fois, une lignée de commerçants qui ont osé et osent encore la prise de risque, tout en gardant chevillée au corps, la certitude que seule la qualité compte. Robert Liger fut le premier en 1948, en reprenant la petite boutique de la rue Pereira, qui n’avait guère plus de deux mètres de vitrine. Chemises et pantalons se vendaient bien, mais il fallut voir plus grand. Alors Liger déménage à l’angle de la rue royale et de la rue de bourgogne en 1974.
Pendant ce temps, le fils Alain fait ses gammes chez Yves Rocher à Paris. « Ce bonhomme était plein de bon sens, se souvient Alain Liger. Il m’a enseigné les arcanes du commerce moderne. La vente par correspondance, les boutiques, les franchises et les valeurs familiales ». 

Alain rentre à Orléans et vient accompagner son père. De la cosmétique au textile, il n’y a qu’un pas. « Les grandes lignes du commerce ont considérablement évolué dans les années 90. Il a fallu s’adapter, composer avec les nouveaux modes de consommation et négocier les virages. Il y a eu les époques de disette ou les gens voulaient acheter pas cher, il maintenant Internet avec les marges réduites ». Alain Liger a tenu bon la rampe et continue d’affirmer sa ligne de conduite. « Il faut avoir le respect du fournisseur, du client et du métier. Je ne vends pas de remises, j’achète des produits que je vais vendre, convaincu de leur qualité, donc au bon prix. Bien sûr on a vu Liger sur Internet, j’y suis allé, j’ai même beaucoup investi, mais j’en suis revenu, convaincu que mon capital réussite est dans ma boutique. Oui, je me suis essayé aux vêtements pas cher, fabriqué au Maghreb ou en Asie, mais ça n’a pas duré ». Chez Liger, on aime comprendre le produit, sa fabrication, les matières et la couture de qualité. 

Membre de la fédération de l’habillement, puis un temps président des vitrines d’Orléans, Alain est convaincu que « pour être fort, les commerçants doivent se parler ». Ainsi va le commerce de qualité, qu’Alain Liger cède actuellement à son fils Alban, troisième du nom.

Cultiver la convivialité

L’adresse du Glouglou n’est pas vraiment ancienne, quatre ou cinq ans tout au plus, mais il faut pourtant réserver son coin de table. Une réussite fulgurante que l’on doit à un ensemble de critères réunis derrière une même enseigne. Alexandre Fischer, alias Fisch, et Léa Mardelle, les ont concentrés : qualité des produits, constance de la cuisine et convivialité. Assurément tout ce que recherche la clientèle. Alors, quand on lui dit que son bistrot est sympa, Léa s’en étonnerait presque : « quand on est commerçant, la première des choses est de savoir accueillir ses clients et leur dire qu’on est content de les voir ».

Ces deux-là se sont bien trouvés ; lui avec une licence d’économie et un BTS de management, elle avec un bagage de marketing, mais tous deux avec l’envie d’autre chose. « J’ai toujours aimé la cuisine, explique Fisch. Alors quand je me suis lancé, je n’avais qu’à respecter ce à quoi je croyais, a commencé par la qualité des produits ».

Cochon, agneau et veau de l’Aubrac sont sélectionnées à Laguiole, les poissons de ligne à la criée des Sables d’Olonne et Saint-Gilles Croix de vie. Et il en va de même des vins que propose le Glouglou. Avec un nom comme ça, on peut s’attendre à une carte diversifiée. 300 références en effet, elles aussi sélectionnées chez les vignerons qui ne produisent que des vins vivants, bio ou en biodynamie. « Les gens ont souvent des a priori sur les vins naturels. Pourtant, s’amuse Fish, Romanée-Conti, l’un des vins les plus cher du monde, travaille aussi en biodynamie ».

L’excellence du geste

Il n’est pas un commerçant qui rencontrent le succès sans travail ni persévérance. De là naissent l’excellence et le succès. Les meilleurs ouvriers de France, MOF, le savent bien et portent cette fierté sur le col de leur blouse. Bleu, blanc, rouge, trois couleurs qui disent la beauté du geste, la qualité du produit et le savoir-faire. Rue du faubourg Bannier, il en est au moins deux, l’un est boulanger pâtissier et s’appelle Cordier, l’autre est fleuriste, Charline Pritscaloff.

Elle tient boutique depuis 2011, année de son titre au prestigieux concours des artisans de France.
– C’est un sésame ?
– « Oui, pour le banquier, s’amuse-t-elle. Bien sûr, les gens sont conscients de trouver la qualité et le sérieux, mais se disent aussi que ça doit être plus cher. À nous de trouver le bon équilibre et de faire mentir cette pensée ».

J’ai rencontré Charline, Vice-présidente de la fédération française des fleuristes, dans son atelier qui jouxte la boutique, alors qu’elle accueillait des étudiants du campus de la Moulière, école du paysagisme et des fleurs. « Le partage et la transmission du savoir sont inscrits dans la charte des MOF. Il faut donner et composer avec l’humain ». Cette exigence fait parfois peur aux jeunes. Peur de ne pas être à la hauteur. « À nous, de leur expliquer qu’on ne leur demande pas de passer un concours chaque jour, mais simplement d’apprendre des gestes professionnels qui feront leur succès ». 

Répondre aux attentes et se réinventer

C’est écrit sur le fronton, la librairie Nouvelle, place de la république est la plus ancienne librairie d’Europe. « Fondée en 1545 par Etienne Rouzeau, elle a grandi dans l’ombre de l’université d’Orléans, explique Anne-Marie Royer-Pantin, historienne et écrivaine orléanaise. La dynastie se transmet jusqu’en 1830, jusqu’à ce qu’Alphonse Gatineau rachète la librairie installée près de la cathédrale ». En 1902, c’est Jules Loddé qui prend en main la vénérable Maison. Il la transmettra 30 ans plus tard à son fils Jean qui lui-même la laisse à son fils en 1972. Le groupe Privat la récupère en 2002, avant que l’enseigne Chapitre ne prenne la suite, pour finalement devenir la Librairie Nouvelle en 2014, sous l’impulsion du nouveau propriétaire, Albin-Michel.

C’est certainement d’avoir répondu aux attentes de la clientèle qui fait la longévité de l’enseigne. Car même si l’on dit, et ce n’est pas nouveau, que le livre est en perte de vitesse, c’est d’avoir su se réinventer qui permet aujourd’hui aux librairies d’avoir encore pignon sur rue. « Il faut être à l’écoute, savoir accueillir, et proposer non seulement ce à quoi s’attend le client, mais proposer le petit plus qui fait la différence, explique Sonia, Leconte, responsable de la librairie. Il faut connaître les catalogues et ainsi imaginer au-delà des prix littéraires, ce qui fera plaisir aux lecteurs ».
Dans la rubrique littérature, beaux livres, BD et mangas, l’offre orléanaise n’est pas pléthorique, mais bien structurée. Il y a Chantelivre, Les Temps Modernes, Jaune Citron et la Fnac, mais aussi Legend BD et quelques spécialistes du manga comme Miskatonic. « On se connaît tous, poursuit Sonia. Il y a de la place pour tout le monde, à condition d’être complémentaire ».

Le sourire des jeunes qui en veulent

Canotto, c’est un petit canot en italien, mais aussi un cercle ou une roue comme on veut, à l’image des pizzas, rondes et gonflées. Et celles de cette équipe tourne rond. Trois ou quatre ans tout au plus que Canotto a ouvert son fournil, et déjà une réussite fulgurante. Des pizzas venues de l’espace sans doute, à la légèreté insolente, et une équipe de jeunes gens qui n’ont d’autre envie que de vous accueillir et de vous faire plaisir. Le sourire n’est pas en supplément sur la note. Il y a toujours un mot gentil et le système D pour vous trouver une place. Bien qu’il soit risqué de venir sans réservation. Ne dites pas que les jeunes n’ont plus les codes de la réussite, ceux-là en sont le contre-exemple. 

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